HÉRITAGE DE L’ESCLAVAGE ET DE L’ABOLITIONNISME

Privation de liberté
Priver un être humain de sa liberté, réduire son corps et sa personne à la condition de propriété dotée d’une valeur commerciale afin de l’exploiter sexuellement ou de le soumettre au travail forcé, de le vendre ou de lui ôter la vie, est un acte inhumain et inacceptable. Cette forme de privation de liberté réduit l’individu à la condition d’esclave, qui correspond dans certaines sociétés à un système juridique et économique portant le nom d’esclavage. Savoir cela et sensibiliser l’opinion publique sur le fait qu’à différentes périodes de l’histoire, ce phénomène a existé en tant que décision individuelle ou collective et qu’il se manifeste encore aujourd’hui sous des formes similaires, est un devoir fondamental.
Barcelone transatlantique
Ce projet est axé sur la participation de personnes liées à la ville de Barcelone à des dynamiques d’esclavage transatlantiques. En plus des individus qui capturaient, transportaient ou vendaient les esclaves, le système comptait d’autres acteurs décisifs tels que les investisseurs, les dirigeants, les législateurs et les opposants à l’abolition de l’esclavage. Parmi ces derniers, figurent les noms de personnes activement impliquées dans l’histoire de Barcelone – des monuments sont dédiés à certains d’entre eux dans l’espace public – qui ont investi dans la ville leurs fortunes issues des colonies. Cela dit, d’autres éléments doivent aussi être mentionnés, tels que les personnes engagées en faveur de l’abolition, ou les manifestations de citoyens et de citoyennes de Barcelone contre l’esclavage.

Réduire la réflexion sur l’esclavage transatlantique à un phénomène normal ou légal d’une autre époque, c’est perdre de vue les répercussions qu’il a eu. L’esclavage transatlantique a laissé des traces aussi bien sur le plan social qu’individuel, qui ont produit des effets que l’on remarque encore aujourd’hui, tels que les inégalités et les discriminations qui persistent encore à notre époque.
ESPAIS
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Gran Via / Rambla de Catalunya


La version originale du monument fut inaugurée en 1888, dans le cadre de l’Exposition universelle de Barcelone. Initialement située à l’intersection entre Gran Via et Rambla de Catalunya, sa statue fut détruite et son socle servit de piédestal en honneur aux victimes du coup d’État manqué contre la République catalane. Il finit par être entièrement détruit puis reconstruit en 1945 à quelques mètres de son emplacement initial dans une plus petite taille, en conservant certaines de ses allégories d’origine.
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La Rambla, 8


Tomás Ribalta, propriétaire d’haciendas à Cuba et membre de la Liga Nacional, après avoir acquis et aménagé le Palau Marc en 1876, a laissé sur sa façade un relief racontant son passé. En plus de la symbolique propre à la navigation et au commerce et des fruits tropicaux, on distingue la cheminée de l’hacienda et les cannes à sucre qui désignent clairement le travail forcé des esclaves africains.
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Plaça del Portal de la Pau


Ce monument fut achevé en 1888 afin d’être inauguré pendant l’Exposition universelle de Barcelone. Il représentait également une commémoration anticipée des quatre cents ans de l’arrivée de Colomb sur les terres américaines. Un bas-relief entre les armoiries de Porto Rico et de Cuba, qui étaient alors encore des colonies espagnoles, reproduit la scène de la rencontre avec les premiers captifs emmenés de force aux Antilles. Le suivant décrit leur présentation au Roi et à la Reine Ferdinand et Isabelle. À la base du monument se trouvent deux sculptures d’indiens agenouillés aux pieds du frère Bernat de Boïl et du capitaine Pere de Margarit. Cette représentation fait allusion à la soumission politique et religieuse forcée des indiens, premières populations des Amériques réduites en esclavage.
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Pla de la Seu


Sur le font baptismal de la Cathédrale de Barcelone, sculpté en 1433, on peut lire sur une plaque le résumé sacralisé d’une histoire qui oscille entre la tradition orale et les premières chroniques desdites Indes. Cette histoire raconte comment furent baptisés au sein de ce temple six indiens capturés par Colomb et emmenés jusqu’à Barcelone lors du retour de son premier voyage.
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Carrer Ample, 3


Créée en 1876, on compte parmi ses principaux fondateurs son premier président, Antonio López y López. Cette institution a géré les fonds que ses partenaires ont attribués à l’Espagne dans le cadre de la guerre des dix ans à Cuba. Le lien entre la défense du statu quo colonial et les intérêts économiques qu’impliquait le système esclavagiste en place à cette époque était particulièrement étroit. Le dernier siège de cette banque fut situé sur Via Laietana au numéro 3. Ce bâtiment est aujourd’hui un hôtel.
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Passeig d’Isabel II, 14


Josep Xifré i Casas avait accumulé du capital à Cuba, qu’il avait réinvesti à New York. Cela lui permit d’acheter à son retour à Barcelone les terrains sur lesquels fut construite la Casa Xifré, terminée en 1840 et connue pour ses porches. Le nombre de reliefs allégoriques présents sur la façade est notable. Ceux-ci représentent notamment un africain et un indien parmi des symboles renvoyant au commerce, à la navigation et à la fortune, mais aussi des enfants portant des plumes ou transportant des cannes à sucre, entourés de médaillons de colonisateurs et de conquistadors.
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Passeig d’Isabel II, 1


C’est en 1871 à la Llotja de Barcelone que se créa le Cercle espagnol d’outre-mer de Barcelone, dont Joan Güell et Antonio López étaient les président et vice-président respectivement. En 1873, la Llotja vit aussi se créer la fondation de la Liga Nacional de Barcelone, qui s’opposait à l’abolition immédiate et imminente de l’esclavage à Porto Rico. Antonio López en fut le premier vice-président et parmi les 72 représentants se trouvaient Tomás Ribalta et Eusebi Güell.
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Plaça d’Antonio López


Ce monument fut érigé en 1884, seulement un an après le décès du fondateur de la Compagnie Transatlantique de Barcelone (créée en 1881). Il fut nommé Marquis de Comillas, en l’honneur de son village natal situé en Cantabrie. Le terrain de l’emplacement initial du monument fut donné par la municipalité de Barcelone. Celle-ci renomma aussi la place San Sebastián place Antonio López y López. En 1936, la statue d’origine fut démolie et remplacée par une représentation du capitaine Maximiliano Biardeau en tant que “martyr de la liberté”, suite aux blessures mortelles que ce dernier subit le 6 octobre 1934 à la capitainerie générale après s’être mis au service de la République catalane. En 1941, la statue fut reproduite par Frederic Marès et resituée à l’endroit actuel de la place, duquel elle fut à nouveau retirée en 2018 en raison de son lien explicite avec l’esclavagisme.
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Parc de la Ciutadella


Le monument Barcelona a Prim, initialement situé devant le Palau de la Indústria (Palais de l’industrie), fut érigé en 1887 en vue de l’Exposition universelle de 1888. La statue du monument fut détruite et fondue en 1936, puis reconstruite en 1948 à quelques mètres de son emplacement original. À Barcelone, Joan Prim i Prats est connu pour avoir cédé la forteresse de la Ciutadella à la ville en décembre 1869 en tant que président du Conseil des ministres, afin qu’elle soit détruite et transformée en parc. Deux décennies plus tôt, en octobre 1847, il avait été nommé capitaine général - ou gouverneur - de Porto Rico. Cependant son mandat ne dura que jusqu’en juin 1848, en grande partie dû à l’autoritarisme impopulaire de ses mesures extrêmes de répression contre les révoltes d’esclaves africains.
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Av. del Marquès de l’Argentera, 2


Le 22 décembre 1872, une manifestation partait de Plaça Catalunya, arborant un étendard rouge aux lettres dorées sur lequel on pouvait lire « Abolition immédiate de l’esclavage ». Les manifestants marchèrent jusqu’au siège du régime civil situé à l’ancienne douane, pour faire entendre leurs revendications au gouverneur de l’époque, Joaquim Fiol i Pujol. Ce dernier, partisan de l’abolition de l’esclavage, remercia les manifestants avec un discours prononcé depuis le balcon du bâtiment, qu’il conclut par « Longue vie au digne peuple de Barcelone ! ».
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Plaça de la República


En avril 1936, fut érigé sur l’ancienne place Cinc d’Oros un monument dédié à a Francesc Pi i Margall, deuxième président de la première République espagnole. À l’image de son prédécesseur Estanislao Figueras, il était en faveur de l’abolition de l’esclavage aux Antilles. En 1939, l’allégorie de la République le couronnant et le médaillon portant son effigie, qui se trouvaient sur le relief du monument, en furent retirés. Tous deux furent intégrés à un nouveau monument en 1990, situé sur la place connue à l’époque sous le nom de Plaza de Llucmajor, renommée Plaza de la República en 2016.
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Carrer de l’Hospital, 51


Au sein de ce théâtre, inauguré en 1863, fut donnée la première représentation de la pièce Llibertat ! de Santiago Rusiñol, en octobre 1901. Dans cette œuvre, un indien retourne temporairement dans son village natal avec un enfant noir qui avait été son esclave – fait qui suscita bien des réactions. L’auteur y fait une critique cinglante du racisme et de la notion de classe dans le contexte de la Catalogne de l’époque.
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Avinguda Diagonal / Carrer del Bruc


Cette fontaine datant de 1915 est connue sous le nom de Font del Negret Negret (fontaine du petit garçon noir) ou de fontaine de la Palangana (fontaine du bassin). On suppose qu’elle représente un enfant adoptif du sculpteur Eduard Alentorn, demandant à sa demi-sœur qu’elle lui nettoie et frotte le visage vigoureusement pour faire blanchir sa peau. Une chose est en revanche certaine, le sculpteur a donné à son œuvre le titre « Impossible! ». L’intériorisation de la discrimination raciale est considérée aujourd’hui comme l’une des conséquences de l’esclavagisme.

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Crédits
L’association Conèixer Història, la Fondation Cipriano García de CCOO et l’Observatoire Européen des mémoires expriment leur volonté de repenser les éléments de la ville qui exaltent un passé mettant de nombreuses personnes mal à l’aise. Cette proposition d’itinéraire est une invitation à observer et découvrir certains espaces de Barcelone qui sont liés à l’esclavagisme issu du trafique transatlantique et à son abolition.

Texte: Omar Guzmán Ralat
Conseiller: Javier Laviña
Conseil ou Coordination technique: Javier Tébar
Coordination éditoriale: Rosa Sans et Oriol López
Fotografies: Enric Berenguer i Associació Conèixer Història
Photographies : Enric Berenguer et l’association Conèixer Història
Design: La PAGE Original
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